samedi 27 juin 2015

Top 5 Documentaires Juin 2015

Couples dans la Guerre
C. Vidal-Naquet
Tout peut changer
N. Klein
La dernière guerrilla du Che
T. Noël
Moi Ota...
J.P. Alègre
Trafiquants d'hommes
A. Di Nicola

vendredi 26 juin 2015

Les grandes (et petites) amoureuses de la littérature # 2 L’amoureuse dans le roman : silencieuse, lointaine et toujours résignée

 Règles, codes, interdits, mari ou père …
 L’amoureuse s’affronte souvent à sa famille, à la société, aux conventions, par amour.

Au 12ème siècle, la littérature, liée aux cours royales décrit un nouvel art d’aimer. Le roman courtois parle du couple amoureux, mais aussi de la femme aimée ou aimante. L’amour se féminise. Si l’homme amoureux est valeureux, la femme aimante est souvent lointaine ou exigeante. Elle réclame une dévotion complète et une soumission absolue. Son désir intense se nourrit de tous les obstacles.
Ainsi Guenièvre, épouse du roi Arthur, amoureuse de Lancelot, chevalier errant, au service de sa « Dame muette ». Chrétien de Troyes dans Lancelot ou Le chevalier de la charrette, raconte un coup de foudre et une relation adultère au Moyen-âge.


Premier baiser de Lancelot et Guenièvre


A l’époque médiévale, le sentiment amoureux dans la littérature ignore les règles de la société, mais les femmes et les hommes amoureux finissent le plus souvent écrasés par les codes sociaux de leur époque.
D’où de nombreux couples maudits.
Tristan et Iseut, deviennent amants après avoir bu par erreur un filtre d’amour. Leur passion éternelle est fatale.

Tristan et Iseut



Héloïse, 15 ans, écrit à son amant Abélard : « ces voluptés chères aux amants que nous avons goûtés ensemble me furent si douces que je ne peux ni les détester ni les bannir de mes pensées ». Héloïse finira abbesse d’un couvent et l’objet de sa passion, Abélard, sera castré !





Julie
Les règles ou les interdits continuent à travers les siècles à briser les amoureuses. Elles doivent le plus souvent renoncer aux hommes qu’elles aiment. Ainsi Julie dans Julie ou La Nouvelle Héloïse de Jean Jacques Rousseau. Cette amante du 18ème siècle est magnifiée dans sa souffrance et sa résignation. Sa passion est sublimée par l’écrivain. La morale l’emporte, certes, mais du point de vue purement littéraire, c’est la passion qui gagne. Le style est flamboyant « Sans savoir ce que je faisais, je choisis ma propre infortune ; j’oubliais tout, et ne me souvins que de l’amour : c’est ainsi qu’un instant d'égarement m’a perdu à jamais. Je suis tombée dans l’abîme de l’ignominie, dont une fille ne revient point ; et si je vis, c’est pour être plus malheureuse ».

Et les années, les siècles passent …

Dans les romans du 19ème siècle, la passion amoureuse est un thème courant mais c’est le plus souvent l’homme qui a le beau rôle. L’amoureuse reste conforme à la femme de son époque. Elle est enfermée dans des contraintes bourgeoises. Elle est docile et malheureuse, ou insoumise et punie.
Honoré de Balzac est l’écrivain par excellence de la passion amoureuse au féminin. Il a créé de nombreux modèles d’amoureuses :
Dans le Lys dans la vallée, il crée un amour immense mais platonique entre Félix et Mme de Mortsauf. Elle souffre tout autant que lui, mais elle résiste et ne peut supporter que l’objet de son amour succombe au péché de la chair avec une autre.

Téléfilm de Marcel Cravenne (1970)

Différences de classes sociales, dote à payer en cas de mariage, comment la passion amoureuse peut-elle vivre ou survivre avec de telles contraintes ?



Eugénie Grandet autre héroïne de Balzac, est broyée par l’ordre social, décrite comme  « une petite sotte, sans éducation, commune, sans dot, et qui passe sa vie à raccommoder des torchons »

 Encore plus dramatique est la destinée d’Esther Gobseck Dans Splendeurs et misères des courtisanes. Balzac raconte la vie merveilleuse et sordide d’une demi-mondaine. Cette courtisane, fille non reconnue d’un usurier de cauchemar, est follement amoureuse de Lucien de Rubempré. Elle monnaye son corps pour l’enrichir. Quand la jeune prostituée ne peut plus repousser le baron de Nucingen et doit se laisser posséder par lui, elle préfère se donner la mort.

Mais Honoré de Balzac n’est pas le seul écrivain du 19ème siècle à sublimer la femme amoureuse.
Charlotte Brontë raconte le sort pitoyable de Jane Eyre. Cette amoureuse résignée, se plie aux conventions et refuse de devenir la maîtresse d'Edward Rochester. Ils s’aiment mais il est marié et ne peut rompre son mariage (sa femme a sombré dans la folie). Quand les deux amants peuvent enfin être heureux, Charlotte Brontë arrête volontairement son récit.


Les amoureuses de Jane Austen sont enfermées dans un carcan sociétal qui détruit tout sentiment amoureux. Ainsi Elinor et Marianne dans Raison et sentiments.





La semaine prochaine : Les amoureuses sortent de leur silence et les sentiments explosent dans la Tragédie

Isabelle

vendredi 19 juin 2015

Les grandes (et petites) amoureuses de la littérature #1 L'amoureuse légendaire aux grands pouvoirs

Les histoires d’amour occupent une place privilégiée dans la littérature.
Le long ou brutal processus de la passion amoureuse captive les écrivains
Mais au cours des siècles, la description de l’amour et de ses acteurs (ou de ses personnages) a connu bien des révolutions.
Le personnage littéraire de « la femme amoureuse » est né à l’époque Antique. Il est présent dans la fiction dès le Moyen-âge et n’a cessé d’évoluer. Les écrivains « inventent » des femmes aimantes, éperdues d’amour, déchirées ou silencieuses, passionnées ou soumises aux conventions de leur époque, libres et sans  tabou
Au 20eme siècle, la description de la passion amoureuse au féminin perd de sa force et de sa noblesse. Les responsables désignés de « cette déchéance » sont le roman sentimental populaire et ses dérivés. Mais l’écrivain n’a pas détruit la magie de l’amour en l'enfermant dans un carcan d'écriture codifiée. Les amoureuses de fiction ont certes bien changé, mais elles attirent toujours autant de lecteurs !





Les légendes, les mythes de l’Antiquité évoquent des déesses, des nymphes, parfois des magiciennes, des reines ou de simples humaines sublimées par l’amour. Ces amoureuses ont des pouvoirs multiples, dont elles usent sans hésitation pour arriver à leurs fins. Bien sûr, elles ne peuvent aimer qu’un dieu, qu’un héros, qu’un roi…. Elles vivent souvent dans des lieux improbables : nuées, montagnes sacrées, châteaux, ruines mystérieuses…. Par amour, elles savent déclencher cataclysmes et autres catastrophes



Hélène de Troie, de Robert Wise (1956)
Sous le contrôle d’Aphrodite, déesse de l’amour, la mythologie multiplie les amoureuses. Elles sont animées par Euripide, Ovide, Catulle, Tibulle, et surtout Homère.
La plus connue de la littérature grecque est Hélène, fille de Zeus, épouse du roi de Sparte et enlevée par Paris, prince troyen. Mais dans L’Iliade, on ne sait si Hélène, considérée comme la plus belle femme du monde, est réellement amoureuse ou enlevée sous la contrainte. Homère laisse le doute régner durant toute la guerre de Troie.

Pénélope et Ulysse
Dans L’Odyssée, au contraire, il n’y a aucune hésitation à avoir. Deux femmes sont transcendées par l’amour. La nymphe, Calypso retient captif, durant sept ans, l'homme qu'elle aime. La presque humaine Pénélope, épouse fidèle, attend son mari pendant 20 ans. Et il s’agit du même homme : Ulysse ! Toutes les deux utilisent la ruse ou la tromperie par amour. Calypso marchande l'immortalité, Pénélope file pour repousser ses 114 prétendants .L’une gagne et devient le symbole de la fidélité conjugale, l'autre perd et doit même aider (sur ordre de Zeus) son amour à la fuir !
Et même des humaines deviennent des amoureuses de légende !!

Andromaque, Achille et Hector
Evoquons Andromaque, épouse d’Hector, idéal de l’amour conjugal et maternel. Admirons Alceste, belle parmi les belles, qui offrit sa vie en échange de celle de son époux. Ce qui fit dire à Platon « Les dieux même estiment le dévouement et la noble générosité qui viennent de l’amour ! »



Le Banquet, Platon


De très beaux modèles d’amoureuses déjà établis et décrits au 8eme siècle avant J.C.
Ils ont été copiés, imités, adaptés, réinventés depuis.
Jacques Offenbach fait chanter Hélène dans un Opéra bouffe  La Belle Hélène.
L’écrivain canadien Margaret Atwood dans L'Odyssée de Pénélope, réécrit l’histoire et rédige les aveux de l’amoureuse « Depuis toujours nous étions tous deux, de notre propre aveu, des menteurs émérites et éhontés »
Georges Méliès en 1905 anime Calypso. Boris Vian détourne le mythe et chante un Calypso Blues.





La semaine prochaine : Mais bientôt l’amoureuse va redescendre sur terre …et se taire.

Isabelle

vendredi 5 juin 2015

Top 5 Romans Juin 2015

F. Lenormand
Le Diable s'habille
en Volaire
T. Ben Jelloun

L'enfant de sable
F. Humbert
Eden Utopie
T. Canavan
Magie volée
A. Menna
L'étrange histoire de l'ours (...)

La vie quotidienne des écrivains # 4 l'argent, en avoir ou pas

En 1856, le journaliste Charles Colnet publiait Biographie des auteurs morts de faim, que vous ne trouverez pas dans les rayons de la Médiathèque mais sur Google Books.
L'expression "morts de faim" est peut-être un peu exagérée mais tout de même, il n'est pas toujours facile de vivre de l'écriture et l'image de l'écrivain, en mitaines, grelottant dans sa mansarde à côté d'un maigre feu est bien ancrée dans les esprits.
A contrario, certains auteurs arpentent les tapis rouges comme des super-stars et les transferts d'écrivains entre maisons d'édition (comme celui de Houellebecq, passé de Flammarion à Fayard en 2005) n'ont presque rien à envier à ceux des joueurs de football.
Petit panorama des auteurs, entre gros sous et petite monnaie.

Le pauvre poète, par Carl Spitzweg

Les écrivains qui travaillent

Les exemples sont nombreux, je vous en propose quatre :

Guy de Maupassant : alors qu'il approche de la trentaine, Maupassant s’attelle à la rédaction du roman Une Vie. Mais le temps lui manque : le jour, il travaille en tant que commis pour le Ministère de la Marine et le soir, alors qu'il voudrait mettre toute son énergie dans l'écriture, il se retrouve vidé, totalement incapable d'écrire.
Il confie sa détresse à Flaubert, son ami et mentor :
«Je ne puis plus me tendre assez pour rejeter toutes les lourdeurs qui m’accablent l’esprit […]. Je ne trouve pas ma ligne et j’ai envie de pleurer sur mon papier» (lettre à Flaubert du 21 août 1878)
Il se résout donc à faire un choix pragmatique : il laisse aux riches écrivains les longs romans pour se consacrer à la nouvelle. Il écrira donc Boule de Suif, gardant le manuscrit de Une Vie pour plus tard.

Honoré de Balzac : si quelqu'un a fait sienne cette maxime : "le temps c'est de l'argent", c'est bien lui !
Après s'être lancé dans une hardeuse entreprise d'édition, Balzac se retrouve criblé de dettes et développe une véritable obsession pour l'argent. Dans une biographie, Gonzague Saint Bris relate cette anecdote : un jour que Balzac bavardait avec son éditeur, il interrompit brutalement la conversation pour lancer au pauvre homme :  « voilà bientôt une heure que nous causons de choses inutiles. Vous m’avez fait perdre deux cents francs ».

Iain Levison :  avec ses Tribulations d'un précaire, Iain Levison nous livre le récit cocasse de sa carrière professionnelle qu'il résume lui-même en ces termes : "au cours des 10 dernières années, j'ai eu 42 emplois. J'en ai laissé tomber 30, on m'a viré de 9, quant aux 3 autres, ç'a été un peu confus. C'est parfois difficile de dire exactement ce qui s'est passé, vous savez seulement qu'il vaut mieux ne pas vous représenter le lendemain".
Pour payer ses factures, I.Levison s'est fait (entre autres) serveur, déménageur, marin au long court et vendeur d'à peu près tout ce qui peut se vendre.


Dany La Ferrière : il est lui aussi le roi de la débrouille, mais ses méthodes ne sont pas toujours orthodoxes. Dans Journal d'un écrivain en pyjama, il revient sur ses débuts difficiles et explique par exemple comment il payait son loyer :
« j’ai donc réduit au minimum mes dépenses et entrepris de séduire la fille du propriétaire de l’immeuble où je créchais. Je m’arrangeais pour croiser sa fille plusieurs fois par jour dans l’escalier. Et nous nous retrouvâmes un soir dans ma chambre. Depuis je n’ai plus eu à payer le loyer. »

Les écrivains rentiers 
Il n'est pas facile de savoir ce que gagnent les écrivains car le sujet est bien souvent tabou. Le Magazine Lire a tout de même consacré à la question un dossier spécial. (n°384, avril 2010).

Petit rappel : un contrat d'édition s'établit comme ceci : l'auteur touche 8% du prix de vente jusqu'à 10 000 exemplaires vendus, 10% de 10 001 à 20 000 et 12% au delà.
Voilà pour la règle, mais les exceptions sont nombreuses :

Céline par exemple a exigé de son éditeur Gallimard... 18 %
« 18% pour moi, sur chaque exemplaire, pas de ristourne, sec, pas de salades et en route […] d'avance, en liquide, pas de chèque. » Il a tout obtenu, sauf le liquide.

Daniel Pennac, également publié par Gallimard, aurait quant à lui joué une augmentation de droits d'auteur à pile ou face. Le sort à été favorable à l'éditeur, et l'écrivain, bon joueur, n'a pas bronché.

Selon un sondage réalisé par Forbes, les 3 écrivains vivants les mieux payés du monde en 2013 étaient :
  1. E.L. James (Cinquante nuances de Grey) 95 millions de Dollars
  2. James Patterson ( qui a écrit de nombreux polars, dont Tapis rouge ) 91 millions de Dollars
  3. Suzanne Collins (Hunger Games) 55 millions de Dollars
Mais ce phénomène d'écrivains super-stars ne date pas d'aujourd'hui. Par exemple, Victor Hugo signa le contrat du siècle pour Les Misérables et reçut une somme astronomique, l'équivalent de 600 000 € aujourd’hui. Avec l'argent, Hugo a pu entreprendre des travaux de rénovation dans sa très belle demeure de Guernesey et faire construire sur le toit son fameux Lock-out, une pièce tout en verre qui lui servait de bureau.
Le Lock-out de Victor Hugo
Mais parfois, les écrivains, n'arrivent pas à faire face à cette soudaine et colossale rentrée d'argent.
Par exemple, après avoir reçu le Prix Goncourt pour Les Noces Barbares, Yann Queffélec, ne sachant plus bien quoi faire de son argent, s'achète un voilier sur un coup de tête. Et il signe un chèque de 50 000F à une parfaite inconnue.

L'exemple de Françoise Sagan est bien plus dramatique. Malgré son succès, elle meurt dans la misère et lègue à son fils, 1,5 million d'euros de dettes en héritage...


Voilà qui conclut notre exploration de la vie quotidienne des écrivains. Pour ne pas finir sur une note négative, je vous laisse méditer cette citation de Stephen King :


(que l'on peut traduire approximativement ainsi : L'écriture n'est pas une question d'argent, de célébrité, de conquêtes ou d'amis. Au bout du compte, il s'agit d'enrichir la vie de ceux qui vous lisent et d'enrichir votre propre vie. Il s'agit de se lever, d'être en forme et  d'aller jusqu'au bout. Et d'être heureux, ok ? D'être heureux.)